Un Prophète - Jacques Audiart

Publié le par benjamin

Un Prophète - Jacques Audiart

 

Malik N'Djemena, dix-neuf ans un peu à cran, entre en prison.

Fragile et tout jeune, il se tient à l'écart, comme traqué, dans un premier temps - ici, une seule loi, celle du groupe. Les Corses d'un côté, les "barbus" (les mulsulmans donc) de l'autre, et quelques italiens, quelques gitans, dans leurs coins respectifs.

La relative tranquilité de Malik ne dure pas : bien vite, les corses lui mettent le grapin dessus. Sous pretexte de le protéger, il lui demandent (sans lui laisser le choix) de tuer pour eux un des musulmans de la prison.
Tout un mode opératoire est mis en place, une visite dans sa cellule pour "acheter" du shit (contre une petite pipe), une lame de rasoir à coincer dans sa bouche pour qu'il ne remarque rien, le petit entraînement pour, sans s'aider de ses mains, faire rouler la lme jusqu'à ses dents et le petit sursaut à avoir pour entailler la carotide. Rien n'est si simple, et la scène est..bouchère, mais le type est bien mort, et le petit jeune n'est pas soupçonné.

Ses armes étant faites, il devient comme leur bonne, s'occupe de ce qu'ils achètent du dehors, fait leur vaisselle. Sans que ce soit évident pour lui : d'origine magrébine et au service des corses, son profil ne laisse personne indifférent.
Les corses, une vingtaine, ont tout de la meute de loups, nerveux, irrascibles et sûrs de leur force. Ils sont menés par Luciani, qu'on devine coffré pour des histoires de terrorisme politique. Dans cette prison, il fait la loi, tient une partie des matons, fait la pluie et le beau temps jusqu'à leur comportement vis-à vis des autres communautés. Il s'avère vite avoir les connexions nécessaires pour que son influence s'étende bien au-delà des murs de la prison. Malik regarde, écoute, et surtout se tait.

Deux évemements font évoluer la situation. D'un côté, un texte gouvernemental qui passe et permet aux corses incarcérés de purger leur peine près de l'île - sans s'appliquer à tous les détenus, il réduit à un quart le contigent corse sur place, augmentant mécaniquement l'importance des restants...
De l'autre, Malik, intelligent et dur au mal, apprend le corse seul dans son coin, et écoute, toujours plus, ce qui se dit - quand Luciani l'apprend (de sa propre bouche), il saisit l'occasion de l'impliquer plus, et Malik la saisit. Au-delà de leurs craintes et de leurs espérances à tous les deux.

Noir, oui oui, bien sûr, et sans concessions : dans ce monde là, il ne faut compter sur personne, il est question de survie. Tous ne sont pas méchants, ou en tous cas pas uniquement, mais il n'y a pas vraiment de gentils non plus.
Malin, oui oui, comme Malik qui fait l'agneau pour mieux pouvoir devenir un loup, comme Luciani qui tire depuis trop longtemps les bonnes ficelles, comme les caïds de dehors qui saisissent bien vite l'occasion d'arracher ce petit prometteur des griffes de ce corse un peu esseulé.
Précis, aussi - découpé en mini-chapitres, déroulant comme un récit initiatique, sur les épaules des rencontres que fait Malik, bonnes ou mauvaises. Montrant l'influence de chacun, les fenêtres qu'ouvre chacune des personnalités (riches) qui croisent son chemin, du corse au "gitan" à Ryad, à Boutrèche. Et parvenant sans être ridicule, et avec finesse, à évoquer l'obsession qu'a Malik de ce meurtre originel.

Un film fort, intelligent - et horrible.


Publié dans Films

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